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"Un garçon si gentil / Les Carcérales"

de Magali Wiéner

 

 

Première édition : 2010

Rééditions : 2014

Editions : Milan, collection Macadam 

 

 

 

Synopsis

 

La soirée s'annonce bien pour Rodrigues : fête

de la musique, bière et rock'n'roll... Et puis ce

concert avec Aurélie, qui semble ne chanter que

pour lui. Des regards qui s'échangent, l'alcool

qui aide, des envies plein les yeux... Une nuit

qui tient ses promesses. Rodrigues est heureux.

Jusqu'au lendemain matin, où le cauchemar

commence...

 

 

 

 

 

Ma chronique en bref

 

Un livre coup-de-poing. Un style direct, sans fioriture. Une lecture aigre, sans douceur, mais qui pousse à la réflexion. 

 

Note générale : 15/20

 

 

 

Mon avis sur…

 

 

L’histoire

 

Ce roman ne traite pas d’un sujet facile. C’est même un récit carrément glauque, dur et sordide. Tout commence comme dans un conte de fées, pour le timide Rod, mais on perçoit les ténèbres arriver et c’est gros, ça se sent, et, normalement, ça se fuit. Mais le « pauvre » Rod ne fuit pas. Non. Lui, il fonce tête baissée en plein dedans.

Et après ? Après, c’est trop tard.

C’est l’histoire d’un mec, un peu coincé, un peu (beaucoup ?) naïf, qui ne sait visiblement pas y faire avec les filles et qui est fou amoureux d’une jeune chanteuse qu’il connaît depuis quelques jours. Il n’a que peu d’espoir d’arriver un jour à la séduire jusqu’au jour où, à un concert, ils dansent, boivent, puis s’isolent dans un parc. Lui croit qu’elle a envie de lui. Elle imagine qu’il parvient à lire dans les pensées (à peu de choses près). Pour lui, il lui fait l’amour. Pour elle, il la viole. Un malentendu. Un manque de discussion. Un acte avec des conséquences terribles.

Et à partir de là, c’est la lente descente aux enfers qui commence. Rod est arrêté, incarcéré, prévenu de viol. Les preuves ont là : relation sexuelle avec violence. C’est avéré, marqué noir sur blanc. Lui ne comprend pas, nie, demeure dans sa vision idéalisée de ce qui s’est passé cette nuit-là, de ce qu’il a fait. Il est innocent, il n’en démord pas et pourtant, il sera « présumé coupable ».

Le livre retrace avec justesse ce glissement vers l’obscurité, en suivant tout le processus d’accusation : depuis la partie de jambes en l’air qui aurait dû être consentie jusqu’au verdict final. On suit les interrogatoires, les confrontations, puis la prison et le procès. On ne nous épargne rien. Le ton est mordant, dur, il griffe, il fatigue.

De cette lecture, je garde un goût étrange en bouche. C’est indéniablement un ouvrage intéressant, avec le point de vue du violeur et non pas de la victime. Ou du violeur qui se prend pour la victime. C’est difficile, on ne comprend pas. Ce qui m’a peut-être un peu dérangée, c’est le fait que Rod ne se remette jamais en question. À aucun moment. Il ne réfléchit pas à cette nuit, considère que si elle n’a pas dit « Non », ou ne l’a pas mordu, ou frappé, c’est qu’elle voulait bien coucher avec lui. Même lorsqu’il est mis face à celle qu’il a détruite, il ne semble pas ressentir de culpabilité. Il décide que tout cela n’est qu’injustice, que parce qu’elle s’est « parfumée et coiffée », elle le désirait comme lui la voulait. Et il ne capitule à aucun moment : ni devant le témoignage d’Aurélie ni devant les preuves indéniables... J’aurais aimé davantage de remise en question, ou simplement une once de regrets pour celle qui n’est plus que l’ombre d’elle-même. Pourtant, ce n’est pas le cas et, j’avoue, c’est dommage.

J’ai trouvé que ce roman était une fresque intéressante de l’univers carcéral. Les personnages y sont complexes, sans cliché flagrant, avec des personnalités fouillées. Entre les experts, les policiers, les matons, les professeurs de peinture, les psychiatres et évidemment les autres détenus, c’était passionnant de s’immerger ainsi dans ce monde qui est, pour la plupart d’entre nous, totalement inconnu.

Également, l’auteur parvient parfaitement à retranscrire le mal-être omniprésent qui vit en Rod. Sa tristesse, sa colère, sa rage et son désespoir sont parfaitement dépeints tout au long de ce livre. Ses mots vibrent et résonnent en nous. Quand on referme cet ouvrage, on ne peut s’empêcher d’être chamboulé, perdu, un peu comme son héros.

En résumé, une lecture coup-de-poing, qui ne laissera personne indifférent, permettant de cerner toute la noirceur de cette lente descente aux enfers ! 

 

L’histoire : 16/20

Les personnages : 13/20

 

 

L’écriture

 

La plume de Magali Wiéner est acérée, directe, dure et imagée. Les phrases sont courtes, donnant vraiment l’impression de se retrouver dans la tête de Rod. Ça peut être un peu difficile à supporter, ces phrases de trois/quatre mots qui se succèdent à toute vitesse. Le tout est teinté d’une poésie certaine, mais qui, parfois, s’avère un peu fatiguant. On ressort de ce livre, pourtant pas très long, avec le sentiment que nous aussi, nous venons de passer des jours en prison, d’avoir été lessivés par l’interrogatoire et épuisés par le procès. 

 

Le style d’écriture : 16/20

 

 

La symbolique

 

Il est intéressant ici de voir les deux visions d’une même nuit : le côté magique vu par Rod et celui terrifiant vu par Aurélie. On comprend ici que cette terrible situation a été causée par un malentendu aux conséquences horribles : Aurélie qui n’a pas crié « Non », Rod qui pensait que ne pas avoir de refus clair et net, cela voulait dire oui. Si tous deux avaient simplement discuté, ils n’en seraient pas là, chacun détruit, au fond du gouffre. On saisit que le manque de communication mis en avant a généré la déchéance de chacun. Également, on voit toutes les nuances et différences que peuvent avoir deux personnalités, à quel point l’esprit peut appréhender les choses de manière diamétralement opposée et que le seul moyen pour se mettre sur la même longueur d’ondes passe par le dialogue… et si possible, avant que ce soit trop tard. 

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